Temple de la Fusterie

Au XVIIIe siècle, déjà du Neuf

Construit en 1714 pour offrir un lieu de culte aux protestants français réfugiés à Genève qui fuyaient les persécutions, le temple de la Fusterie est le premier lieu de culte édifié depuis la Réforme du XVIe siècle dans l’enceinte de la Cité. La construction de ce qu’on appellera le Temple Neuf répondait à un besoin pressant, formulé en 1697 déjà : permettre aux fidèles d’assister au culte dans des conditions convenables, dans la mesure où la Révocation de l’Edit de Nantes avait jeté sur les routes des milliers de réfugiés huguenots, dont nombre passaient par Genève, dans l’espoir de s’y installer, sinon d’y faire halte avant de pousser plus à l’est. En 1708, le Conseil des Deux Cents décide donc de bâtir un nouveau lieu de culte, les bâtiments utilisés n’y suffisant pas – pas même le temple de Saint-Pierre !

Le projet est confié à Jean Vennes, architecte français réfugié à Genève. Vennes s’inspire de gravures représentant le temple de Charenton, lieu de culte des réformés parisiens, jusqu’à sa destruction en 1686.

Le Temple Neuf prendra le nom de la place où il se trouvait, la Fusterie. Cette appellation vient du mot « fustiers » qui désigne les charpentiers, artisans de pièces pour les bateaux, partiellement délogés pour permettre la construction du temple.

Eléments d’architecture

L’extérieur, de facture classique, est typique de la sobriété calviniste – et de l’architecture genevoise du début XVIIIe siècle. La façade, de style baroque, inspirera d’autres constructions, dans le canton de Vaud notamment. Les nombreuses fenêtres rendent possible une entrée maximale de la lumière afin que les fidèles puissent aisément lire.

L’intérieur est aménagé de telle sorte que les paroles du ministre soient audibles par l’ensemble des fidèles. C’est ainsi que la chaire occupe une place centrale, ce qui répond à la fois à des exigences pratiques et exprime l’importance de la parole de Dieu proclamée dans la liturgie du culte réformé.

Orgues

La construction du premier orgue par Samson Scherrer fut achevée en 1763. Son emplacement au-dessus de la chaire est le même qu’occupe l’orgue actuel, dû au facteur d’orgue Pascal Quoirin et inauguré en juin 1979. Il a été entièrement relevé début 2010, à l’occasion de ses 30 ans.

Développement historique

L’histoire du temple de la Fusterie comme symbole d’accueil et de tolérance

Déjà, l’histoire de sa construction n’est pas anodine !

Certes, on sait qu’elle est décidée pour permettre aux nombreux exilés qui jadis arrivaient à Genève d’avoir un lieu de culte, mais il convient aussi de rappeler que son financement par les fonds publics suscite néanmoins au sein des autorités de longues discussions et qu’alors on a recours à un legs de Jean-Antoine Lullin-Grenus (1627-1708), membre d’une très ancienne et généreuse famille de Genève, pour y parvenir (voir Famille de Saussure).

On sait également que l’architecte à qui sont confiés ses plans se nomme Jean Vennes (1652-1717) et qu’il est lui-même un réfugié originaire du Languedoc ; mais il convient également de rappeler que la majorité des bâtisseurs, les maçons, les charpentiers, les menuisiers, les serruriers, etc. sont aussi des réfugiés souvent originaires de Lyon, de Grenoble, de la Bourgogne, du Dauphiné, de Nîmes, ou d’ailleurs.

Et lorsque le jour tant attendu de sa dédicace arrive le 15 décembre 1715, on fait appel au pasteur Bénédict Pictet (1655-1724). Travailleur infatigable, fidèle visiteur de ses paroissiens, inlassable dans son ministère en faveur des pauvres et grand protecteur des réfugiés français, également professeur à l’Académie (voir Université/Académie) et auteur d’une abondante production d’ouvrages théologiques.

…. et depuis la vocation d’accueil du temple a perduré au cours des siècles 

Au XIXème siècle, à deux reprises le temple est transformé en hôpital militaire pouvant accueillir 300 blessés ; d’abord en 1814, alors que les guerres ravagent l’Europe, et notamment les villages alentours, et que Genève est épargnée (voir Château de Lancy), puis en 1871 lors de la guerre franco-allemande.

Notons que les belligérants sont accueillis et soignés sans distinction de nationalité.

En avril 1919 : sur les parvis du temple la Proclamation du choix de Genève comme siège de la Ligue des Nations (SDN) (voir Palais Wilson), annoncée par télégramme de Versailles par Gustave Ador, président de la Confédération, et William Rappard, est lue à une foule émue et enthousiaste partie en cortège officiel de l’Hôtel de Ville, alors que les cloches des temples sonnent à toute volée pour manifester le caractère solennel de cet événement.

La presse rend compte de l’animation qui règne dans toute la ville en fête, notamment grâce aux collégiens en congé qui l’envahissent joyeusement. Partout, l’allégresse est grande car on veut croire que le Traité de paix signé par les belligérants à Versailles permettra de ne plus jamais revivre les horreurs de La grande Guerre.

En janvier 1972 : Rencontre entre représentants du christianisme, du judaïsme, de l’islam, de l’hindouisme et de religion japonaise, événement précurseur de nombreuses autres rencontres organisées dans le cadre de la Plate-forme interreligieuse de Genève constituée en 1992.

Et depuis, de nombreux autres événements se sont ajoutés aux actes de foi historiques mentionnés ci-dessus, tel l’accueil des personnalités soutenant l‘Appel spirituel de Genève.

Et aujourd’hui, temple ouvert

L’expérience actuelle de l’Espace Fusterie n’est pas sans précédent. Au milieu des années 70, de manière tout à fait novatrice, le temple accueille un premier projet d’ouverture sur la Cité appelé ARC (pour désigner un Centre d’accueil, de rencontre et de célébrations). Pour diverses raisons, le projet ne tiendra que quatre ans environ. Ce n’est que très récemment, à la faveur des élans impulsés par« EPG 2005, un formidable défi » que l’Eglise protestante a remis l’ouvrage sur le métier pour encourager l’émergence de cet Espace à côté d’autre pôles d’excellence et de présence novatrice dans le Centre-Ville: le Forum Saint-Pierre, l’Espace Saint-Gervais et l’Espace Pâquis.

Longtemps géré par la paroisse Saint-Pierre-Fusterie, puis « rendu » à l’Eglise protestante par cette même paroisse en raison d’une présence concentrée sur la cathédrale, le temple de la Fusterie accueillera les frères de Taizé pour une prière quotidienne dès septembre 2007, en vue de la Rencontre européenne qui se tiendra à Palexpo en fin d’année. Depuis, cette prière se poursuit sans interruption tous les mercredis (12h30), quelles que soient les activités déployées. Régulièrement ouvert depuis le printemps 2008, l’Espace Fusterie trouve peu à peu son rythme de croisière et son profil dans le paysage genevois. Il est apprécié pour son ouverture à la Cité.

(Sources et ouvrages consultés : Temple de la Fusterie  E. de Montmollin et F. Delor, Fondation des Clefs de St-   Pierre 1990 –Dictionnaire historique de la Suisse – Archives de l’Espace Fusterie et  Archives de la presse suisse  romande)

Place de la Fusterie, 1204 Genève

En image

A découvrir également

Famille de Saussure
Université (ancienne Académie)
Château de Lancy
Palais Wilson


Liens


Bibliographie

  • MONTMOLLIN, E. de et DELOR, F, Temple de la Fusterie, Fondation des Clefs de St-Pierre, 1990

Les présentes informations sont communiquées sous toute réserve, au plus près des connaissances et recherches de la rédactrice. L’Association décline toute responsabilité en cas d’erreur ou omission.