Château de Lancy

L’élevage des moutons puis la diplomatie

Au sommet du chemin du Gué, l’ancien Château de Lancy de style néo-classique s’offre d’emblée aux regards des marcheurs.

Il est construit en 1817 sur un grand domaine acheté auparavant à la famille Lullin par Sara (1767-1830) et Charles (1755-1824) Pictet de Rochemont.

C’est là que, pendant plus de 20 ans, ce dernier y développe avec une certaine passion l’élevage des moutons-mérinos et partage ses recherches avec les paysans de la région, alors essentiellement agricole, en vue d’améliorer le rendement des terres et la finesse de la laine des troupeaux. Pendant la même période, il introduit également l’élevage des moutons en Hongrie et à Odessa, dans un domaine qu’il baptise Novoï Lancy.

Notons aussi que, bien avant que l’on parle d’oecuménisme à Lancy, Charles Pictet de Rochemont (descendant d’une famille passée très tôt à la Réforme) (voir Cartigny) et Etienne Baud (le curé d’alors), étudient ensemble tous les problèmes concernant le village, notamment celui de l’instruction des enfants pour laquelle ils sont tous deux engagés dans le comité de l’école.

Puis une nouvelle carrière s’ouvre pour Pictet de Rochemont alors qu’il approche des 60 ans : la diplomatie!

En 1813, l’occupation française prend fin, Genève veut alors redevenir une République, sécuriser ses frontières et se rattacher à la Suisse. On appelle alors Pictet de Rochemont qui se met habilement et fidèlement au service de ces trois causes auxquelles il adhère pleinement avant de revenir sur ses terres et y faire construire le château.

Avant de redescendre le chemin du Gué on peut voir sur sa droite la Maison de l’Horloge (voir ci-dessous).

Développement historique

Genève veut redevenir une république, sécuriser ses frontières afin de se rattacher à la Suisse qui veut faire reconnaître sa neutralité

Après avoir été rattachée à la France, Genève redevient un état souverain à la fin de l’année 1813. Pictet de Rochemont accepte de rejoindre le gouvernement provisoire et de collaborer à la rédaction de la proclamation de la liberté retrouvée et d’une constitution.

Genève souhaite se rattacher à la Suisse qui exige alors le désenclavement de ses frontières, tandis que l’arrivée de deux contingents suisses au Port Noir, suscite l’enthousiasme des genevois, avant même leur rattachement formel à la Suisse.

C’est en tant que diplomate attitré de la République genevoise, puis de la Confédération suisse, qu’il va participer aux grands congrès internationaux de Vienne et de Paris en 1814-1815 qui modifieront la carte de l’Europe.

Charles Pictet de Rochemont est souvent accompagné par Jean-Gabriel Eynard et son épouse Anna Eynard-Lullin lors des négociations qui se révèlent fort délicates et se déroulent néanmoins sur fond d’atmosphère mondaine. Par son charme et surtout par son intelligence, Anna Eynard-Lullin, la propre nièce de Pictet de Rochemont, sait habilement tirer parti de la situation en fréquentant les bals et en recevant dans son salon les diplomates influents afin de plaider la cause de Genève. Certains historiens vont jusqu’à dire que le meilleur atout de Charles Pictet de Rochemont c’est Anna (voir Palais Eynard et Palais de l’Athénée) !

Aux termes des négociations, grâce à ses multiples qualités de diplomate, Pictet de Rochemont obtient pour Genève l’agrandissement de ses territoires sur les deux rives et le désenclavement du futur canton exigé par la Confédération suisse pour y entrer. Il remporte un autre succès de taille: la reconnaissance de la neutralité perpétuelle et de l’inviolabilité de la Suisse.

Le pavillon Lullin

Sur la droite du parc, on peut apercevoir un modeste pavillon, seul vestige du lieu où fut scellé l’acte officialisant les nouvelles frontières genevoises. Celles-ci ont été reconnues en 1816 lors du traité de Turin et sont toujours en vigueur aujourd’hui ! Ce document est signé par Charles Pictet de Rochemont et l’émissaire du roi de Sardaigne, Victor-Emmanuel de Savoie (voir Carouge).

N.B. A quelques pas du Pavillon Lullin on peut voir la maison natale de l’écrivain-voyageur.

Nicolas Bouvier, qui a aussi participé à la fondation du Musée International de la Croix-Rouge.

La maison de l’horloge

Charles Pictet de Rochemont fait construire cette maison en 1817 pour abriter les très nombreux ouvrages scientifiques, littéraires, et économiques publiés par la célèbre Bibliothèque britannique,  fondée avec son frère Marc Auguste, Jacques André Mallet et Frédéric-Guillaume Maurice qui gèrera plus particulièrement la diffusion des articles dans le domaine de la météorologie (voir Observatoire de Genève).

Discours prononcé par la résidente de Lancy d’autrefois à l’occasion du vernissage de l’exposition Pictet de Rochemont et sa famille à Lancy, mai 2015 (extraits)

… « Pictet de Rochemont est revenu des cours européennes avec la ferme idée de se construire une belle demeure. A cette époque, il n’y en avait pas légion à Genève. C’est pourquoi ce bâtiment frappa prodigieusement les esprits. Déjà qu’il a dû passer pour un illuminé lorsqu’il a quitté le confort de la ville pour la précarité de la campagne (car Lancy, c’était bien la campagne), vous pouvez vous imaginer la tête que firent ses contemporains lorsqu’il entreprit cette construction qui lui donna bien des soucis. Mais il tint bon…

Cette maison inscrite au patrimoine lancéen demeure et le résultat fut à la hauteur de ses espérances. Car Pictet – qui était un petit malin – réussit à amener le beau monde à la campagne et on vit désormais défiler à Lancy des princes et des têtes pensantes à qui il montra à son aise ses progrès réalisés dans le domaine agricole, ainsi que ses travaux littéraires et scientifiques caractérisés par la Bibliothèque Britannique.

Parmi tous les talents qu’on reconnaît à Pictet, figure celui de pédagogue. En effet, tant lui que sa femme Adélaïde Sara et sa fille Amélie furent des grands adeptes de la méthode éducative dite Lancaster* qu’ils mirent au profit des jeunes villageois lancéens. Trente-trois ans après le décès de Charles Pictet, le château devint le paradis des têtes blondes issues de la noblesse européenne. L’Institut fondé par Karl Haccius, puis dirigé par son fils Charles (qui fut également maire de notre commune) fit en effet rayonner le nom de Lancy loin à la ronde. Et lorsque les Autorités lancéennes rachetèrent le domaine, la nouvelle mairie conserva des salles de classe qui accueillirent cette fois-ci les enfants du village.

Depuis presque deux siècles maintenant, cette maison est liée au destin des Lancéens. C’est, pour nous, la « maison aux esprits », ceux de Pictet, de sa famille et de Mme de Staël qui leur rendait visite; ceux de l’aristocratie mondiale qui y envoyait ses enfants grandir « au bon air » du Grand-Lancy…. Mais pour nous, elle abrite à jamais l’écho du piano d’Amélie de Rochemont… et le souvenir d’un agronome, soldat, ambassadeur, citoyen de Genève. »

* pédagogie basée sur l’enseignement donné par les élèves les plus avancés aux plus jeunes

Note 1: en 1978 le collège Horace-Bénédict de Saussure, « savant universel » et fondateur de la Société des Arts (cf fiche  H- B de Saussure) est inauguré sur la commune de Lancy.
Note 2 : depuis 2010  les sociétés Henry Dunant et Genève humanitaire (voir CICR) ont leur siège à Lancy, route du Grand-Lancy 92.

(Sources et ouvrages consultés : Lancy Chapitres d’histoire d’une commune devenue ville, Pierre Bertrand – Charles Pictet de Rochemont, Fondation des archives de la famille Pictet et Lancy   d’Autrefois,  2015 – Entrée de Genève dans la Confédération, Groupe de recherches historiques de Cartigny – Les femmes dans la mémoire de Genève du XVe au XXe siècle, collectif sous la direction d’Erica Deuber Ziegler et Natalia Tikhonov, Etat de Genève et éd. Hurter, 2005)

Route du Grand-Lancy 41, 1212 Lancy

En image

A découvrir également

Cartigny
Palais Eynard et Palais de l’Athénée
Observatoire de Genève
Famille de Saussure
CICR
Carouge

LienS

Bibliographie

  • Perroux, Olivier, Histoire de Genève de la création du canton en 1814 à nos jours, éd. Alphil
  • Barbier, Claude, Communes réunies, communes démembrées, la fabrication des frontières de Genève (1815-1816), La Salévienne, 2017

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