Palais Eynard et Palais de l’Athénée

Deux palais comme image de réussite

Après avoir fait fortune en Italie, le banquier amoureux des arts Jean-Gabriel Eynard (1775-1863) s’installe à Genève avec son épouse Anna Lullin de Châteauvieux (1793-1868). Lui est un descendant d’une famille originaire du Dauphiné émigrée à Genève à la fin du XVIIème siècle pour fuir la persécution dont souffraient les Huguenots, tandis qu’elle voit le jour à Lancy (voir Château de Lancy) dans une des plus anciennes familles de Genève.

Le couple décide de bâtir un palais – le premier bâtiment genevois à porter ce nom – dans le style des  palazzi  italiens, au pied des anciennes fortifications  de la ville. Anna esquisse les plans  et suit avec attention les travaux de leur future résidence des Bastions qui débutent en 1817 sous la direction du célèbre architecte florentin Giovanni Salucci, tandis que Guillaume Henri Dufour (voir Place de Neuve) est chargé de superviser l’extraordinaire chantier lorsque le couple est absent.

Quelques décennies plus tard, le riche banquier fait construire un autre palais, non loin de sa somptueuse résidence, pour l’offrir à la Société des Arts: le Palais de l’Athénée, lui aussi inspiré de l’architecture italienne. C’est dans son Grand-Salon qu’en octobre 1863 se tiendra la Conférence constitutive de la Croix-Rouge internationale (voir CICR).

Toutefois, le couple Eynard-Lullin a laissé bien d’autres traces que celles de bâtisseurs de palais ! Notamment celles de leurs engagements dans les négociations diplomatiques européennes, de leurs entreprises philanthropiques, de leur fidèle soutien à la cause philhellène, alors qu’ Anna n’a pas été épargnée par la souffrance de la maladie, supportée probablement  grâce à sa profonde spiritualité.

Jean-Gabriel s’illustrera encore en tant que pionnier de la photographie (voir développement historique) et  après son décès, son épouse poursuivra leurs activités de bienfaisance notamment envers les personnes en difficultés, les écoles ou encore l’hôpital.

La Ville de Genève rachète le Palais Eynard en 1891 et y installe les collections suisses du Musée d’histoire naturelle. Classé monument historique en 1921, le bâtiment est entièrement rénové entre 1981 et 1986. Aujourd’hui il abrite la Mairie de la ville de Genève et depuis 2012 les couples peuvent convoler en justes noces dans le salon bleu !

Développement historique

Architecture du Palais Eynard

Adossé à la muraille, le palais est soumis à la différence de niveau entre la rue et le jardin. Le rez-de-chaussée donne sur le parc et est surmonté d’une balustrade qui se prolonge dans les niveaux supérieurs. Les terrasses latérales abritaient les écuries et la loggia, où se dresse aujourd’hui un buste de Jean-Gabriel Eynard en hommage à son engagement dans la guerre d’indépendance grecque. Les deux étages sont ceinturés de colonnes ioniques. Une double rampe ornée de lions en marbre permet d’accéder au jardin.

Le hall d’entrée abrite des statues antiques… éclairées par une grande coupole. Exécutés par des peintres italiens, les plafonds sont richement décorés de motifs floraux et de draperies en trompe-l’œil. Du hall, situé au niveau de la rue, les invités descendaient au rez-de-chaussée, où avaient lieu les réceptions. Les trois salons ont conservé leur parquet d’époque aux multiples essences de bois.

Le palais comportait également un théâtre. Le goût des époux Eynard pour le théâtre n’était pas nouveau : dans leur ancien appartement de la cour Saint-Pierre, ils jouaient en amateurs pour leurs amis, dont faisait partie Madame de Staël.

La Société des Arts au Palais de l’Athénée

Fondée en 1776, la Société des Arts de Genève est l’une des plus anciennes sociétés à but culturel de Suisse. Ses fondateurs, le maître horloger Louis Faizan et le savant Horace-Bénédict de Saussure (voir Famille de Saussure) avaient pour but de favoriser les inventions et la collaboration entre savants, artisans et agronomes. Elle est à l’origine de plusieurs institutions genevoises, comme l’Ecole d’Horlogerie, l’Ecole des Beaux-Arts et l’Ecole de Chimie, et a révélé au public le talent d’un grand nombre d’artistes, parmi lesquels Barthélemy Menn et Ferdinand Hodler.

Jean-Gabriel Eynard et les débuts de la photographie à Genève

L’annonce en 1839 de l’invention du « daguerréotype »  connaît un retentissement public considérable. Pour la première fois, les images sont prises en noir/blanc à l’aide d’un appareil dans lequel on glisse une plaque en cuivre recouverte d’une couche d’argent. La photographie va alors se diffuser rapidement. A Genève, c’est Jean-Gabriel Eynard qui se distingue. Sa fortune lui permet de se passionner sans réserve pour ce coûteux procédé. L’essentiel de ses sujets sont des portraits de groupe où il se représente généralement entourés des siens. La plupart des images, destinées à un usage privé, sont prises dans l’une ou l’autre de ses somptueuses propriétés. La Ville de Genève a acquis plus d’une centaine d’oeuvres d’Eynard, datables entre 1840 et 1855 environ, qui comptent parmi les plus anciennes photographies conservées en Suisse.

Notons que le plus ancien portrait d’Henry Dunant identifié à ce jour a été réalisé sur un daguerréotype de Jean-Gabriel Eynard qui se trouve à la Getty Foundation, sur la côte ouest des Etats-Unis d’Amérique.                   

(Sources et ouvrages consultés : Les femmes dans la mémoire de Genève du XVe au XXe siècle, collectif sous la direction d’Erica Deuber Ziegler et Natalia Tikhonov, Etat de Genève et éd. Hurter, 2005 – Archives de la ville de Genève, de la Société des Arts et du Musée d’histoire naturelle).

Rue de la Croix-Rouge 4, 1204 Genève

En image

A découvrir également

Château de Lancy
Place de Neuve
CICR
Famille de Saussure

Lien

Bibliographie

  • Eynard, Paul, Le Palais Eynard, Slatkine 1986
  • Dommen, B. et C., Mademoiselle de trop, La joie de lire, 2014
    pour enfants dès 7 ans

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