Landecy

Un domaine témoin de plusieurs alliances de marchands et soyeux

Fuyant les persécutions religieuses du milieu du XVIe siècle, plusieurs familles de riches marchands quittent la région de Tours, alors important centre de l’industrie de la soie, et viennent se réfugier à Genève. Parmi elles on trouve les familles Perdriau et Baulacre qui toutes deux acquièrent des terres, notamment dans la région s’étendant au pied du Salève.

En 1637 Pierre Perdriau (1613-1641) épouse Elisabeth Baulacre (1613-1693), descendante par sa mère de la famille de soyeux lombards Pellissari arrivée à Genève après avoir séjourné en France.

Leur petit-fils, Ami épousera Françoise Calandrini, elle aussi descendante d’une de ces familles et fera construire la Maison de Landecy, sur la propriété qu’il reçoit en héritage.

Trois générations plus tard, en 1799, le mariage de Louise Perdriau (1776-1858) avec Horace-Louis Micheli (1776-1846), syndic et capitaine au service de la France, vient avec bonheur confirmer la tradition des alliances entre les descendants d’un marchand arrivé de la région de Tours et les descendants des soyeux lucquois, les uns et les autres venus chercher refuge dans la Genève réformée qui les a accueillis et à laquelle ils ont eux-mêmes beaucoup donné. Le domaine Perdriau prend alors le nom de Domaine Micheli.

Développement historique

Elisabeth Baulacre, cheffe d’entreprise au XVIIe siècle

Alliée en premières noces avec les Perdriau, Elisabeth Baulacre devient veuve quatre ans plus tard, après avoir donné le jour à un fils. C’est sous son nom de jeune fille, qu’elle gardera jusqu’à la fin de sa vie malgré ses deux mariages, qu’elle se fait rapidement connaître dans le monde des affaires en développant le modeste fonds de commerce d’articles de mercerie hérité de son premier mari.

Elle emploie bientôt des centaines de personnes, souvent pauvres, qu’elle n’hésite pas à assujettir à son entreprise par des contrats (apprentissage, location de matériel de travail, logement, prêts d’argent). Travaillant soit dans de petits ateliers soit à domicile, les ouvriers se spécialisent dans la fabrication des précieux outils permettant de façonner les fils d’or et d’argent utilisés dans la passementerie ou mêlés à la soie, ornements de luxe fort prisés à cette époque.

Madame Baulacre, en relation avec les grands négociants genevois actifs sur les principales places commerciales européennes, exporte une grande partie de sa production.

Après 50 ans aux commandes d’une des entreprises les plus florissantes de la ville, Madame Baulacre devient un des personnages les plus importants, voire influents dans la vie politique de Genève. A son décès, elle laisse une des fortunes les plus considérables de Genève.

Néanmoins, ce n’est pas elle que les autorités genevoises choisiront plus tard pour honorer la famille Baulacre en donnant son nom à une de ses rues mais bien son neveu Léonard Balacre (1670-1761), mettant ainsi à l’honneur un membre d’une famille de négociants certes, mais qui se lance dans la théologie et devient membre de la Compagnie des pasteurs; il publie non seulement de très nombreux articles théologiques, mais aussi littéraires, historiques, voire archéologiques et collabore à la version française du Nouveau Testament qui paraît en 1726. Puis il devient bibliothécaire de la ville de Genève et meurt à un âge avancé comme sa tante Elisabeth, mais contrairement à elle, fort peu fortuné !

Les réfugiés lucquois

Beaucoup de familles lucquoises sont attirées par Genève en raison du rayonnement des idées de Calvin qu’elles lisent dans l’Institution chrétienne. Grâce à leurs activités de négoce, la plupart d’entre elles sont habituées aux déplacements entre les grandes places commerciales européennes.

Quand elles arrivent à Genève dans la deuxième moitié du XVIe siècle, elles ont parfois d’abord trouvé un refuge temporaire en France. Habiles dans l’industrie de la soie, les Turrettini, Pellissari, Micheli, Balbani, Burlamacchi, Calandrini, Orelli notamment, contribuent alors efficacement au développement économique de leur ville d’accueil (voir Agrippa d’Aubigné).

Avec François Turrettini (1547-1628) notamment, leurs activités prennent de l’importance sous l’impulsion des importantes compagnies de négoce, telle la Grande Boutique qu’il fonde en 1593 (voir Neydens et Plainpalais et Jonction) qui s’étendent jusqu’aux Pays-Bas et en Allemagne.  

Peu après la mort de Turrettini, au gré d’une crise économique frappant tout particulièrement le secteur de la soie et de la draperie et à la faveur d’une habile reconversion on assiste alors à l’essor de la fabrication des fils d’or et d’argent.

Il est difficile d’estimer l’importance des capitaux qui arrivent ou transitent à Genève à cette époque grâce aux marchands réfugiés lucquois, mais on sait qu’ils sont importants et ne se limitent pas à la sphère privée, puisqu’ils accordent également des prêts à la Seigneurie de Genève, et participent aux collectes par ex. pour aider l’Hôpital durant l’épidémie de peste.

Aux compétences des marchands, il convient d’ajouter celles qui ont été apportées par d’autres lucquois notamment dans les domaines de la politique, le pastorat, la théologie, la médecine ou encore la diplomatie et de souligner que celles-ci ont perduré jusqu’à aujourd’hui.

Notons enfin la solidarité discrète mais efficace que les lucquois témoignent envers les Vaudois du Piémont. Celle du pasteur François Turrettini (1634-1716), petit-fils du talentueux marchand mentionné ci-dessus, envers le résistant Giosue Gianavello, exilé à Genève, est emblématique de leur attachement à la foi réformée et de leur générosité (voir Pont de Carouge).

(Sources et ouvrages consultés : Les exilés lucquois à Genève, Liliane Mottu-Weber, Archives Amidumir, 2013 – Les femmes dans la mémoire de Genève du XVe au XXe siècle, collectif sous la direction d’Erica Deuber Ziegler et Natalia Tikhonov, Etat de Genève et éd. Hurter, 2005 – Archives Etat de Genève – Dictionnaire historique de la Suisse)

Landecy, 1257 Bardonnex

En image

A découvrir également

Agrippa d’Aubigné
Neydens
Plainpalais et Jonction
Pont de Carouge

Bibliographie

  • PIUZ Anne-Marie, La fabrique de dorures d’Elisabeth Baulacre à Genève et autour de Genève aux XVIIe et XVIIIe siècles, Payot, 1985

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