Mur des Réformateurs

Au début du XXème Siècle

A l’entrée du parc des Bastions, ancien Jardin botanique de la ville, sur la gauche s’élève le Monument international de la Réforme, appelé communément Mur des Réformateurs. Sa construction a débuté en 1909, pour commémorer le 400e anniversaire de la naissance de Calvin et le 350e de la fondation de l’Académie. Il est adossé à une partie des anciennes murailles datant du XVIème siècle.

Sur un rempart long d’une centaine de mètres orné de bas-reliefs s’élèvent au centre, les statues des quatre Réformateurs liés à Genève : Guillaume Farel (1489-1565), Jean Calvin (1509-1564), John Knox (1513-1572) et Théodore de Bèze (1513-1605).

Ils portent la robe de Genève, et chacun tient à la main un livre, sans doute la Bible pour Farel, Calvin et Knox, tandis que celui que tient Théodore de Bèze porte l’inscription   Academia, allusion à son rôle de premier recteur de cette institution (voir Université).

De part et d’autre des quatre figures centrales, on lit la devise adoptée à Genève après la Réforme:  Post Tenebras Lux  (c.à.d. Après les Ténèbres la Lumière).

Deux dates symboliques sont gravées à côté des statues des Réformateurs: 1536 à gauche (adoption de la Réforme à Genève) et 1602 à droite (L’Escalade, victoire sur les troupes du Duc de Savoie, qui préserva à Genève son indépendance et sa religion (voir Rue de la Monnaie).

A gauche et à droite du socle central se dressent les statues de six hommes politiques de confession réformée, originaires de différents pays. Il s’agit là d’un « hommage personnel rendu aux représentants des diverses nations qui ont subi l’influence du calvinisme ».  

(Voir développement historique).

De part et d’autre des marches s’élève un grand socle rectangulaire, où sont gravés les noms des premiers Réformateurs : Luther (1483-1546) et Zwingli (1484-1531). En 2009 y furent ajoutés celui de Jan Hus (1369-1415), le réformateur bohémien et celui de Marie Dentière (env. 1495-1561), théologienne et historienne au temps de Calvin.

Développement historique

Un monument politique plutôt que religieux

Les concepteurs du monument de la Réforme, notamment l’éminent professeur genevois Charles Borgeaud (1861-1940) n’avaient pas pour objectif d’ériger une statue à la mémoire de Calvin, ni même de mettre en avant l’Eglise réformée.

Au début du XXème siècle, l’Eglise protestante n’était plus majoritaire à Genève, et la suppression du budget des cultes, en 1907, avait eu pour effet la séparation de l’Eglise et de l’Etat. 

On désirait plutôt mettre l’accent sur l’œuvre de Calvin qui, selon Charles Borgeaud, n’est pas d’ordre théologique, mais avant tout politique et juridique. « C’est l’édification d’une cité-Etat fondée [par Jean Calvin] sur les principes républicains qui triomphent dans la Genève du début du XXe siècle », constate Luc Weibel dans son livre Le Monument.

Sur le socle central du Mur, aux pieds des Réformateurs, est d’ailleurs inscrite la date 1559, qui développe tout un programme : Calvin fonde l’Académie à Genève, John Knox prêche la Réforme à Edimbourg, Guillaume Farel, pasteur à Neuchâtel, organise l’Eglise réformée de Nassau-Saarbruck en Allemagne…

Ce programme politique et juridique peut se lire également dans le choix des six statues, disposées par trois de chaque côté du socle central. Y sont représentés, de gauche à droite: Frédéric-Guillaume de Brandebourg, Grand Electeur, Guillaume le Taciturne (Hollande), l’Amiral Coligny (France), Roger Williams (Etats-Unis), Olivier Cromwell (Angleterre) et Etienne Bocskay (Hongrie). Ce sont les hommes d’épée, les hommes d’Etat qui ont préparé ou assuré à l’Europe le triomphe des libertés modernes sur l’absolutisme des temps passés, et, au- delà de l’Atlantique, les Pères pèlerins, fondateurs de la démocratie américaine.

Comme le mentionne l’historien Guillaume Fatio « ces statues, entourées de bas-reliefs coordonnés, constitueront à la fois un enseignement populaire et un hommage personnel rendu aux représentants des diverses nations qui ont subi l’influence du calvinisme » (voir ouvrage cité en référence) 

Roger Williams, un pasteur puritain qui prône la liberté de conscience pour tous

Né en 1606, ce pasteur de l’Eglise anglicane, émigre en Nouvelle Angleterre en 1636, où il fonde la ville de Providence, capitale du futur état de Rhodes-Island.

Il réussit à obtenir de Cromwell, puis du Roi d’Angleterre une charte qui assure aux citoyens la possession de leur terre et surtout le droit de se gouverner à leur idée, au nom d’une liberté de conscience garantie à tous, catholiques, juifs, musulmans, et païens (Indiens).

Dans son ouvrage sur Le Monument, Luc Weibel écrit à propos de Roger Williams : « Dans la galerie de héros que Borgeaud propose à l’attention de ses concitoyens, ce personnage occupe une place à part, la plus chère à son cœur. Il est obscur, au point qu’il ne reste de lui aucun portrait. Mais à la différence de tous ces Pères de la Réforme au curriculum parfois discutable, c’est un pacifique, un vertueux, un tolérant, qui va jusqu’à pratiquer une politique d’accueil et d’amitié envers les populations indiennes, et à proposer (en 1652 !) l’abolition de l’esclavage.

Les précurseurs

Sur les deux socles devant le monument portant les noms bien connus des Réformateurs Luther et de Zwingli, furent ajoutés en 2002 les noms des précurseurs de la Réforme : celui de Pierre Valdo, père des Vaudois du Piémont, de John Wyclif l’Anglais, et de Jean Hus, le Réformateur de Bohème, qui fut brûlé en 1415 au Concile de Constance.

Le seul nom féminin du monument est celui de Marie Dentière (env. 1495- 1561) ancienne abbesse des Flandres qui avait épousé en deuxième noces le réformateur Antoine Froment (1509-1581) qu’elle rejoignit à Genève en 1535 (voir Place du Molard).

Cette théologienne et historienne qui avait étudié le grec et le latin, publia en 1536 une première chronique anonyme sous le titre : La Guerre et deslivrance de la ville de Genesve, fidèlement faicte et composée par ung Marchant demourant en icelle, dans laquelle elle souligne d’emblée le double aspect politique et religieux de la Réforme.

La liberté de parole et les idées théologiques de Marie Dentière, amie de la Reine de Navarre, étaient à l’origine des différentes disputes qu’elle avait avec Calvin… sur la voie publique!

NB. C’est le sculpteur français Paul Landowski qui, en collaboration avec Henri Bouchard, a réalisé le monument entre 1909 et 1917.

Ce même Landowski a été appelé quelques années plus tard, avec le sculpteur roumain Gheorghe Leonida, à la réalisation de la grande statue du Christ Rédempteur qui surplombe la baie de Rio de Janeiro.

(Sources et ouvrages consultés : Archives Centre protestant d’Etudes de Genève – archives EPG – Les femmes dans la mémoire de Genève du XVe au XXe siècle, collectif sous la direction d’Erica Deuber Ziegler et Natalia Tikhonov, Etat de Genève et éd. Hurter, 2005 – Le Monument Luc Weibel éd. Zoé, Genève, 1994).

Monument international de la Réformation, 1204 Genève

EN IMAGES

A DÉCOUVRIR ÉGALEMENT

Université
Rue de la Monnaie
Place du Molard


LIENS


BIBLIOGRAPHIE

  • Le Monument international de la Réformation Guillaume Fatio, ed. Atar
  • Le Monument Luc Weibel, Zoé, Genève, 1994
  • Le Mur des Réformateurs et le Christ de Rio Adon Peres, Labor et Fides Genève 1999
  • Vie et légendes de Marie Dentière Isabelle Graesslé in Bulletin du Centre Protestant d’Etudes de Genève 2003

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