Céligny

Le plus ancien édifice du village

Le temple a été choisi comme lieu symbolique de l’arrivée des marcheurs à Céligny, enclave genevoise en terres vaudoises, et confins des terres genevoises sur l’itinéraire suisse en direction de la frontière avec l’Allemagne.
Détruit et rebâti à plusieurs reprises sur les restes d’une villa romaine, le temple est l’édifice le plus ancien de Céligny. Suite à un incendie en 1991, il a entièrement été rénové en lui restituant son aspect du XVIIIe siècle, de même que sa disposition intérieure datant de 1536, année où Céligny est devenue genevoise. 

Notons qu’en 1536 Céligny et Chancy (voir Chancy), respectivement dernière et première halte des marcheurs en terres genevoises, ont d’emblée adopté la Réforme décidée par le Conseil général de Genève, sous l’impulsion de leur curé respectif : c’est ainsi qu’à Céligny Jacques Baud est le dernier curé de la paroisse et en devient le premier pasteur, alors qu’à Chancy c’est le curé Armand Béchet qui se convertit aux idées nouvelles.

Par ailleurs, la halte de Céligny, permet d’évoquer le retour dans la patrie d’origine de leurs ancêtres – ici la France – de certains descendants des familles huguenotes accueillies jadis à Genève pour y occuper des positions parfois très en vue. 

C’est le cas de Jacques Mallet-du Pan (1749-1800), dont le père, Etienne, pasteur à Céligny, était lui-même membre de l’impressionnante descendance d’un marchand-drapier venu de Rouen se réfugier à Genève au XVIe siècle. 
Jacques voit le jour au presbytère de Céligny. Après avoir accompli de brillantes études à l’Académie de Genève (voir Université), sur proposition de Voltaire, il est nommé professeur de littérature française à Cassel*, puis il revient à Genève avant de s’installer durablement à Paris d’où il lance Le Journal historique et politique de Genève puis il devient le rédacteur politique du Mercure de France, tout en correspondant régulièrement au niveau diplomatique avec les cours européennes. 
Penseur calviniste et ennemi des extrémistes politiques, cet enfant de Céligny devenu l’un des pionniers du journalisme politique moderne, a laissé une impressionnante bibliographie.

Aujourd’hui, contre le mur du presbytère, on peut voir une plaque de marbre qui rend hommage au « publiciste, défenseur du droit, de l’ordre et de la liberté pendant la Révolution » que fut Jacques Mallet-du-Pan, estimé et célèbre enfant de Céligny.

*ville du centre de l’Allemagne, foyer du calvinisme, dans laquelle ont été accueillis de nombreux Huguenots suite à la Révocation de l’Edit de Nantes

Développement historique

Le passé huguenot des domaines de Garengo et de l’Elysée

Au cours du XVIIIe siècle, deux belles maisons de maître et de jardins d’agrément, sont mises en chantier dans les propriétés fréquemment remaniées du sommet du côteau de Céligny qui jouit d’une magnifique vue sur le lac. Elles ont aussi également en commun une histoire liée à des familles arrivées à Genève pour cause de religion ou alliées à celles-ci. Nous nous bornons à mentionner ci-après seulement la plupart de ces dernières afin de rendre la lecture de ces informations plus aisée.

Notons qu’à certains moments, notamment au gré des alliances, la même famille possédait tout ou partie des deux domaines. 

Avoisinant le temple, le château de Garengo est édifié à l’emplacement de l’ancienne demeure médiévale des nobles de Céligny. Aujourd’hui comme jadis, le ruisseau le Brassus serpente entre les différentes pièces d’eau autour du château. En 1678 le domaine est acheté par Didier Lagisse (1625-1679), membre d’une famille issue du Refuge italien active dans l’industrie de la soie. Devenus bourgeois de Genève les Lagisse s’engagent alors dans les affaires publiques de la cité. 

Puis Garengo passe en mains des descendants de Didier Lagisse, et après eux des familles Naville, Rilliet, puis Bernard alliée Saint-Ours

Quittons tout de même un instant les familles huguenotes, faisons un saut dans le temps et nous voilà au début du XXe siècle ! C’est alors le pianiste et compositeur de renommée internationale Ernest Schelling (1876-1923) qui achète Garengo. Et le château devient un lieu de rendez-vous musicaux exceptionnels, organisés par le couple Schelling. L’artiste, de nationalité américaine mais avec des ancêtres suisses, est très attaché à la région, tout comme son maître et ami d’origine polonaise, le pianiste Ignacy Jan Paderewski (1860-1941). Comme ce dernier réside parfois non loin sur la côte vaudoise, Schelling le convie fréquemment dans sa demeure avec d’autres personnalités du monde musical. 

Après le décès de Schelling, sa veuve vend le domaine au couple d’industriels Schmidheiny qui perpétue la tradition d’hospitalité et de rencontres musicales de Garengo en conviant leur illustre voisin d’origine russe le pianiste Nikita Magaloff (1912-1992) qui, durant quelques années, réside non loin, à l’Elysée et devient citoyen suisse en 1959. 

En direction de la limite avec la commune vaudoise de Crans, un superbe portail en fer forgé signale l’entrée du domaine de l’Elysée* qui, au fil du temps, a subi plusieurs remaniements au gré de ses propriétaires successifs. Dans la cour, les bâtiments de dépendances encadrent harmonieusement la maison de maître qui s’ouvre sur un vestibule conduisant à un vaste perron avec une impressionnante vue sur le lac Léman et la chaîne de montagnes. La construction des bâtiments, qui remonte aux environs de 1770, est due à Elisabeth Torras (1723-1778), descendante d’une famille de Beaucastel en Vivarais venue se réfugier à Genève à l’époque de la révocation de l’Edit de Nantes et qui avait épousé auparavant Raymond Bonnafous, lui-même descendant d’une famille réfugiée originaire de Graissessac près de Béziers. 

Dès son arrivée à Céligny Jean-Antoine Fatio (1728-1804) achète le domaine, qui reviendra par la suite à son fils Jean-François puis à son petit-fils Antoine. Notons que les ancêtres de cette famille, originaires de la région de Domodossola, étaient venus en Suisse afin d’échapper au massacre des protestants de la Valteline (1620).

Au siècle suivant le domaine passe en mains des frères Bernard, (dont l’un est également propriétaire de Garengo) avant de revenir à la famille Fatio alliée Naville au milieu du XXe siècle. 

A ce jour, le domaine de l’Elysée est propriété d’Olivier et Nicole Fatio, née Pictet ; lui est fondateur du Musée international de la Réforme (voir Maison Mallet) et son épouse est ancienne présidente du Conseil exécutif de l’Eglise Protestante de Genève (voir Maison Mallet).
 
* référence au jardin “L’Elysée” de la Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau.

En Muraz, ancienne dépendance de l’Elysée 

Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, Edouard et Emile Chaponnière, descendants d’une ancienne et nombreuse famille du pays genevois passée d’emblée à la Réforme, acquièrent une parcelle à la limite de l’enclave avec la commune voisine de Crans et y font construire chacun une maison dans le style chalet.

Au fil du temps en Muraz devient un milieu artistique et littéraire recherché grâce aux personnalités des descendants des frères Chaponnière, tous deux décédés fort jeunes.

Dans un des chalets a résidé notamment Paul Chaponnière (1883-1956), l’homme de lettres et chroniqueur bien connu, en particulier pour ses études liées aux artistes genevois comme par exemple Rodolphe Töpffer.

Dans l’autre chalet a habité Pauline Chaponnière-Chaix (1850-1934) jusqu’au décès de son époux, alors qu’elle n’avait que 30 ans. Restée sans enfant, elle décide de partir se former à Paris où elle obtient un brevet d’infirmière et travaille alors dans une maison tenue par des diaconesses puis dans une prison. De retour à Genève, elle s’engage dans les mouvements féministes. En 1925 elle devient la première femme élue membre du Comité international de la Croix-Rouge (voir CICR) dont elle devient plus tard la vice-présidente.

La propriété Pascalis

Membre d’une famille originaire du Dauphiné reçue à la bourgeoisie de Genève en 1790, Abraham Pascalis (1797-1857), professeur de mathématique à l’Académie (voir Université) aime recevoir ses amis dans sa propriété voisine de l’Elysée et leur faire admirer le lac et la chaîne des montagnes de Savoie.

Rodolphe Töpffer (1789-1846), dessinateur considéré comme l’un des fondateurs de la bande dessinée, critique d’art et lui aussi professeur à l’Académie, fait partie des intimes de Pascalis. Comme lors de ses multiples randonnées dans les Alpes, il vient à Céligny accompagné de ses élèves, et se livre avec eux au plaisir de la pêche dans le ruisseau de la propriété.

Et plus tard, au soir de sa vie, alors qu’il n’a pas 50 ans, c’est encore chez son fidèle Abraham que le célèbre auteur des Voyages en zigzag vient goûter au réconfort d’une véritable amitié. Après la mort de son ami Rodolphe Töpffer, Abraham Pascalis, fait ériger sur sa terrasse une fontaine qui orne toujours le jardin de la propriété.

(Sources et ouvrages consultés : Archives de la Ville de Genève Archives de la Société d’histoire de l’art en Suisse Céligny commune genevoise et enclave en pays de Vaud Guillaume Fatio, éd. Commune de Céligny, 1998 – L’apport économique et culturel des Huguenots aux pays du Refuge Meinrad Busslinger, éd. Ampelos 2016)

Temple de Céligny, 1298 Céligny

En image

A découvrir également

Chancy
Université
Maison Mallet
CICR


Liens

Bibliographie

  • Céligny, commune genevoise et enclave en pays de Vaud Guillaume Fatio, seconde édition 1998 – Commune de Céligny
  • Drapiers, magistrats, savants. La famille Naville. 500 ans d’histoire genevoise Slatkine Genève 2006
  • Voyages en zigzag Rodolphe Töpffer éd. Hoëbeke 1996

Les présentes informations sont communiquées sous toute réserve, au plus près des connaissances et recherches de la rédactrice. L’Association décline toute responsabilité en cas d’erreur ou omission.